A l’issue de deux journées de fortes tensions sur le terrain du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, le gouvernement a cherché l’apaisement, samedi 24 novembre. Alors que se tenait une manifestation contre le projet à Nantes, trois ministres signalaient un report des premiers travaux de défrichement du site. Dans la soirée, le premier ministre Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et ardent défenseur du projet d’aéroport, a annoncé samedi 24 novembre l’ouverture d’un “dialogue”.
- Première concession de Matignon
Samedi soir, Jean-Marc Ayrault a annoncé le lancement d’une “commission du dialogue” dans un communiqué dont le ton tranche avec sa détermination affichée cette semaine dans Paris Match, à qui il avait affirmé que l’aéroport “se fera”. Le premier ministre réitère “l’engagement du gouvernement à contribuer au développement économique et social du Grand Ouest, dont le projet de transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes est une composante”, mais prend ainsi la mesure d’une contestation qui enfle et menace la cohésion de son alliance avec les écologistes.
“Malgré les concertations légales et les décisions des collectivités concernées, qui ont déjà eu lieu, et qui ont conduit à l’adoption du projet, des interrogations subsistent, explique l’ancien maire de Nantes. Dans un souci d’apaisement, le gouvernement confiera dès la semaine prochaine à une commission du dialogue le soin d’exposer ce projet et d’entendre toutes les parties prenantes.”
Cette concession contraste avec l’envoi cette semaine de cinq cents gendarmes pour assurer la sécurité des entreprises qui ont une nouvelle fois démantelé les maisons et cabanes construites par les opposants sur le site. Elle rompt aussi avec les déclarations martiales du ministre de l’intérieur Manuel Valls, qui a qualifié de “kyste” l’action menée par les opposants.
- Les travaux de défrichement retardés de six mois
Les premiers travaux de défrichement du site de Notre-Dame-Des Landes, qui devaient démarrer en janvier, seront repoussés d’environ six mois, trois ministres (agriculture, écologie, transports) ayant décidé de renforcer les procédures en faveur de l’environnement. Dans leur communiqué commun de samedi, Stéphane Le Foll, Delphine Batho et Frédéric Cuvillier réaffirment d’emblée la nécessité économique du projet de nouvel aéroport. Mais la protection de la biodiversité et des zones humides dans le cadre de la loi sur l’eau sera assurée par un “comité scientifique (…) composé avec toutes les garanties d’indépendance et de transparence, et présidé par un expert scientifique”, assure le texte. Aucune opération “de défrichement” ne sera réalisée “avant validation par ce comité”. La procédure initiale prévoyait que le comité interviendrait au moment de l’étape de terrassement et non de défrichement.
Les ministres s’engagent aussi à préserver les terres agricoles dans ce projet qui porte sur “740 ha d’aménagement, dont 250 ha doivent être artificialisés”. Ils proposent la création d’une mission, constituée en coordination avec les acteurs locaux concernés, destinée à “identifier localement les moyens de minimiser l’impact du projet sur les surfaces agricoles”. “Cette mission tiendra compte de l’opération d’aménagement foncier déjà engagée pour permettre la reconstitution des exploitations impactées par le projet”, précise le communiqué.
Il pourra s’agir de réaffecter à l’agriculture des terres destinées jusqu’ici à l’urbanisation pour compenser les terres artificialisées pour le futur aéroport, selon le cabinet de Stéphane Le Foll. Enfin, les conclusions de cette mission nourriront la préparation de la loi d’avenir sur l’agriculture, la forêt et les industries agroalimentaires, prévue pour le deuxième semestre 2013.
Pascal Durand, le secrétaire national d’EELV, a salué l’engagement du gouvernement à “ne pas entamer les travaux de défrichement avant au moins 6 mois”, considérant qu’il s’agit d’“un premier signe d’ouverture”.
- Nouvelle journée de tensions sur le terrain
Sur le site du futur aéroport, manifestants et forces de l’ordre se sont livrés à une véritable guerre de position. Vendredi matin, les forces de l’ordre sont intervenue pour déloger les quelque 500 squatteurs qui campaient sur le site. Des cailloux, bouteilles, fusées de détresse et cocktails Molotov ont été lancés en direction des gendarmes qui ont riposté par des tirs de grenades, lacrymogènes ou assourdissantes. La préfecture de Loire-Atlantique a signalé deux blessés du côté des opposants et un du côté des gendarmes. Huit personnes ont été interpellées, principalement pour des violences sur personne dépositaire de l’autorité publique.
A Nantes, à 35 km du lieu du site du projet, d’autres heurts sont intervenus samedi soir lorsqu’une manifestation de plusieurs milliers de personnes – 3 200 selon la police et 8 000 selon les organisateurs – s’est approchée de la préfecture. Les forces de l’ordre ont utilisé des canons à eau pour repousser certains manifestants et un CRS a été blessé à la mâchoire par un pavé. Le ministre de l’intérieur Manuel Valls a condamné samedi soir les violences contre gendarmes et policiers, rendant hommage au “sang-froid” des forces de l’ordre.
Lire : Plusieurs milliers de personnes défilent à Nantes contre l’aéroport Notre-Dame-des-Landes
L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est prévu pour remplacer l’actuel aéroport de Nantes, Nantes Atlantique, en 2017. Outre les squatters installés pour certains depuis des années, une vingtaine de foyers d’occupants “légaux” (exploitants, locataires, propriétaires) luttent contre le projet, aidés d’associations d’opposants de la société civile, mais aussi d’élus. Ils réfutent tout problème de saturation ou de sécurité de l’aéroport actuel de Nantes et dénoncent la destruction d’une des dernières zones de biodiversité du département. Leur manifestation, il y a une semaine à Notre-Dame-des-Landes, avait rassemblé entre 13 500 personnes, selon la préfecture, et 40 000 selon leurs chiffres.
Lire le récit des batailles de Notre-Dame-des-Landes