LUC MICHEL: INTERVIEW POUR ‘SPUTNIK INTERNATIONAL’ SUR LA MONTEE DE PARTIS POPULISTES DANS L’UNION EUROPÉENNE

EODE Press Office/ 2015 06 17/

avec Sputnik International (Moscou)/

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EODE PO - LM INTERV. SPUTNIK partis populistes (2015 05 16)  FR

Alexander Mosesov, Correspondent du English News Desk, Sputnik News Agency (Moscou, anciennement La Voix de la Russie) : Sputnik a mené un sondage d’opinion sur les partis politiques en Europe et en particulier la montée de partis tels que l’UKIP, Podemos et le Front national. Lorsqu’on a demandé quelles sont les raisons de la montée des partis d’extrême droite, comme l’UKIP, Podemos et le Front national, la plupart des Européens ont cité trois raisons – le haut niveau de l’immigration (47%), des promesses qui ne sont jamais satisfaites (46%) et le désenchantement à l’UE (38%).

 * Alex Mosesov / Sputnik News Agency: Nous avons découvert que les Européens attribuent la montée de ces partis au haut niveau de l’immigration et au désenchantement dans le projet de l’Union européenne. Pourriez-vous s’il vous plaît commenter ces résultats?

 Luc MICHEL: Une première chose à dire, c’est que la qualification à l’intérieur de la catégorie de “mouvement populiste” est une qualification du système occidental. Dans cette catégorie, ils ont inclus des forces politiques très différentes, principalement de façon à les discréditer. Il y a des partis de droite conservatrice, des mouvements populistes de gauche et les partis d’extrême droite bien sûr (dans la perspective idéologique du fascisme et du néo-fascisme). Dans ces pays, la position politique de ces forces populistes, mais aussi de leur place dans le jeu politique national, ne dépend pas seulement de l’histoire de chaque pays, mais aussi de l’histoire elle-même de chaque mouvement. Dans cette histoire, la relation de la conscience historique du peuple avec la mémoire de l’occupation allemande et du fascisme est différente.

La question de l’immigration ou de la crise sociale n’est que les symptômes d’une crise plus profonde et fondamentale: la crise des Etats d’Europe occidentale. Un Etat européen qui est de plus en plus faible dans la confrontation avec la mondialisation libérale occidentale. Cet état ne fonctionne pas avec efficacité et ne remplit pas son obligation historique, politique et sociale. Dans cela s’inscrit aussi la crise du parlementarisme occidental, qui n’est plus une “démocratie”, mais une oligarchie avec une classe dirigeante (politique, finance, médias et show-business) profondément séparée du peuple. Ce qui explique l’aspiration d’une partie de plus en plus importante de la population pour une autre et plus réelle forme de démocratie (comme la Démocratie directe, la Démocratie participative et ainsi de suite).

 * Alex Mosesov / Sputnik News Agency: Au Royaume-Uni, 67% des personnes interrogées ont cité les niveaux d’immigration. – Pensez-vous que cela est la principale raison de la montée des partis politiques de droite dans le pays?

 Luc MICHEL: Au Royaume-Uni, il ya une montée non pas d’un parti d’extrême droite, mais d’une force conservatrice: l’UKIP, qui n’a pas de base idéologique en commun avec le Front national français. Les clones idéologiques du FN français, comme le BNP (British National Party), n’ont jamais réussi à émerger électoralement.

L’UKIP est aussi une opposition au système britannique qui s’inscrit dans divers mouvements indépendantistes, non seulement le puissant et important SNP en Ecosse (un parti de gauche). Mais aussi dans d’autres mouvements indépendantistes (par exemple au Pays de Galles).

L’UKIP, qui est le principal adversaire au système britannique, peut montrer le meilleur et le pire. Ses positions en matière de politique étrangère sont en opposition avec le système occidental: l’amitié avec la Russie de Poutine, le soutien à la Syrie baasiste, le refus des expéditions militaires de l’OTAN. Par exemple l’UKIP soutient la position de la Russie dans le dossier de la Crimée avec une campagne publique spectaculaire. L’UKIP surfe surtout sur la question de l’immigration, mais au Royaume-Uni, il est principalement axé sur l’immigration interne de l’UE, avec des campagnes honteuses contre les Roumains, Bulgares et Polonais.

Mais le centre de l’attraction politique populaire pour l’UKIP est l’échec complet des partis politiques classiques britanniques.

 * Alex Mosesov / Sputnik News Agency: Le désenchantement dans l’UE. De quoi en particulier pensez-vous que les Européens soient déçus ?

 Luc MICHEL: Ce n’est pas pour moi un désenchantement pour l’UE, mais un échec de l’idée européenne (occidentale). Cette idée a été trahie par les politiciens d’Europe occidentale. Leur soumission à l’OTAN et aux Etats-Unis a complètement empêché la création dans les années 90 d’une “superpuissance Europe», un état transnational avec de l’argent, un gouvernement et une armée. L’OTAN est là pour interdire complètement cette armée européenne (qui est la condition indispensable pour un Etat européen). L’UE, et avant la CEE, a été construite sur l’idée de la paix entre les peuples européens (plus de guerre après deux guerres mondiales) et du progrès et de la justice. L’imposition par le système occidental de l’idéologie libérale détruit progressivement l’idée de progrès social et de justice. Pour le moment la question TATFA (traité transatlantique entre l’UE et les Etats-Unis) démontre le hiatus entre le libéralisme et «l’état social européen» occidental. L’OTAN avec ses différentes agressions militaires, et sa création illimitée de zones de tension, a fermé l’idée de paix entre Européens. Le bombardement de Belgrade en 1999, le premier bombardement d’une capitale européenne depuis 1945, a été la consécration de l’échec européen. Depuis lors l’idée européenne est à l’agonie.

Cela explique aussi la crainte profonde des politiciens de Bruxelles pour la “Deuxième Europe» que le président Poutine construit avec l’intégration eurasienne, qui est une autre idéologie (grand-) européenne, une alternative pour unir le continent, et tout cela n’est pas supportable par la classe politique de l’Europe occidentale.

 * Alex Mosesov / Sputnik News Agency: 44% des Espagnols et des Français citent les échecs économiques. Pensez-vous que Podemos et le Front national peuvent offrir une meilleure alternative?

 Luc MICHEL: Je ne le pense absolument pas! Le Front national est une partie de l’oligarchie française, en dépit de toutes ses prétentions à être une alternative. Depuis sa création au début des années 70, le FN est instrumentalisé en permanence à la fois par la droite classique française et par la social-démocratie. Tous les présidents français ont joué sur ce point. Le Président Mitterrand en particulier a soutenu et organisé l’émergence de Le Pen dans les années 80, en lui donnant accès aux médias d’Etat de masse et en finançant le FN sur le budget caché de la présidence française (les fameux «fonds spéciaux»). La famille Le Pen, une famille de millionnaires, qui a fait fortune avec et par la politique, est un représentant de l’oligarchie française et non du peuple. Sur cela, vous ajoutez le népotisme et la direction clanique du parti. Cette semaine, il ya un grand débat en France parce que le nunéro 2 du FN Philippot a choisi pour avocat Goldanel, l’un des principaux chef de file, représentant non seulement du lobby néocon  atlantiste en France, mais aussi du lobby pro-israélien en France (le CRIF , équivalent de l’AIPAC américain, proche du Likoud israélien). Révélant les liens étroits entre ces lobbys et Marine Le Pen.

En Espagne Podemos aussi ne peut pas offrir une alternative. Voir l’échec de Syriza en Grèce, à gauche.

Mon opinion est qu’il n’y a pas de possibilité dans le système parlementariste occidental. C’est également l’opinion de plus en plus de citoyens européens, qui refusent tout simplement toute participation à ce système. En France, le premier parti n’est pas le FN, mais le «parti des abstentionnistes». Lors des dernières élections européennes (mai 2014), ainsi que pour les dernières élections départementales (genre d’élection régionale), 60% des Français ne vont pas voter. Si vous prenez ces 60% à l’extérieur du vote (votes vraiment exprimés), le FN a moins de 10% et le PS du président Hollande a moins de 7%. Cette situation existe dans d’autres pays européens, par exemple 70% de la population tchèque ne sont pas allés voter aux élections européennes en 2014. Cela explique pourquoi des alternatives démocratiques tels que la Démocratie directe, le référendum, la Démocratie participative, etc, rencontrent un grand intérêt en Europe occidentale.

 * Alex Mosesov / Sputnik News Agency: En Espagne, cependant, beaucoup moins de gens pensent que l’immigration en est la raison (10%) ou le désenchantement dans l’UE (16%). La principale raison pour eux (citée par 49%) est la nécessité de réformes sociales. Pourquoi pensez-vous que les raisons pour l’Espagne sont si différentes que pour la France et le Royaume-Uni?

 Luc MICHEL: La réponse est très simple, car c’est une situation historique complète en Espagne. De 1936 au début des années 80, l’Espagne était une dictature fasciste (l’autorité de fer de Franco), arrivé au pouvoir avec l’aide de Hitler et de Mussolini dans une guerre civile sanglante. Il n’y a aucune place dans l’espace politique espagnol pour un parti comme le FN. Non seulement parce qu’une grande partie du peuple espagnol refuse toutes les idéologies néo-fascistes, mais aussi parce que la droite espagnole, celle du Parti Populaire conservateur radical d’Aznar, occupe l’espace politique qui est laissé à la droite radicale dans d’autres pays comme France. La contestation traditionnelle du système aussi est dirigé par des partis de gauche, qui explique le succès des  nouveaux partis populistes de gauche dans les élections municipales espagnoles, il ya quelques jours. Vous ne pouvez pas éviter le poids de la mémoire populaire historique et sa relation avec le fascisme, l’occupation nazie allemande, la collaboration et ce genre de sujets.

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LUC MICHEL: INTERVIEW POUR ‘SPUTNIK INTERNATIONAL’ SUR LA MONTEE DE PARTIS POPULISTES DANS L’UNION EUROPÉENNEultima modifica: 2015-06-19T18:08:42+02:00da davi-luciano
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