UN NOUVEAU FILM AU CŒUR DES AVANT-GARDES RUSSO-SOVIETIQUES : ‘CHAGALL – MALEVITCH’

Luc MICHEL pour NNK / avec La Voix de la Russie / 2014 03 04 /

Neue Nationaleuropäische Kultur / Новая Национальная-европейская Культура /

https://www.facebook.com/NNK.org

NNK - LM Chagall et Malevitch (2014 04 04) FR 1

Un nouveau film russe d’Alexandre Mitta plonge au cœur des Avant-gardes russes et soviétiques et des rapports entre l’Art et la Révolution d’Octobre …

 Marc Chagall et Kasimir Malevitch. Deux grands peintres russes connus dans le monde entier. En 1919, leurs destins se sont croisés dans la ville natale de Chagall, Vitebsk. Ces deux grands génies ont travaillé côte à côte mais n’ont pas su devenir amis. C’est cet épisode qui est raconté dans le nouveau film du réalisateur russe Alexandre Mitta. Intitulé ‘Chagall – Malevitch’, qui sort en salles ce 3 avril.

 L’ECOLE ARTISTIQUE DE VITEBSK

 L’Ecole artistique de Vitebsk – aujourd’hui en Biélorussie et dont Marc Chagall fut l’un des maîtres – concentrait « les dimensions multiples de ce lieu privilégié pour l’époque » (selon son historienne Claire Le Foll). « A la fois lieu d’apprentissage, de maturation, de liberté de création, d’engagement révolutionnaire. Outre le fait de constituer l’un des foyers les plus actifs de l’avant-garde russe entre 1918 et 1922, ce fut un point de ralliement pour nombre d’artistes d’origine juive ». Une « aspiration à participer du courant universel et révolutionnaire. L’enthousiasme, l’énergie, la passion, le talent, se côtoyaient assurément à Vitebsk, permettant l’éclosion du (…) du “suprématisme”, de l’art-propagande, de l’agitprop, des arts graphiques… »

 LE NOUVEAU FILM D’ALEXANDRE MITTA

 Bande-annonce sur http://www.youtube.com/watch?v=a7BVmdOoN34

 Chagall n’aimait pas les conflits. Le réalisateur s’est donc réjoui d’avoir trouvé un épisode de sa vie où le grand peintre entrait en confrontation avec ni plus ni moins qu’un autre célèbre artiste, père du Suprématisme – issu du Constructivisme russe – Kasimir Malevitch. Marc Chagall occupait à cette époque le poste de commissaire délégué aux affaires des arts de la région de Vitebsk, où il avait créé une école des Beaux-arts en y invitant tous les avant-gardistes.

 Alexandre Mitta explique : « Les jeunes passionnés par les idées novatrices de Malevitch, les jeunes que Chagall avait trouvés, aidés, à qui il avait enseigné, ces jeunes-là ont rejeté leur maître pour en suivre un autre. Cette histoire des relations entre un artiste et ses élèves constitue l’un des volets du film. Il y en a un autre qui est très important dans un film sur Chagall – ce sont ses relations avec ses proches. Il aimait beaucoup sa femme, c’était sa muse, sa déesse. Et c’est également très intéressant de voir comment étaient les relations entre l’artiste et sa femme, des relations qui n’étaient pas toujours au beau fixe. »

 Ces deux grands personnages du monde des arts étaient des références il y a un siècle et aujourd’hui ils continuent à l’être. Géométriques et plein de couleurs s’agissant des toiles de Malevitch, chargées d’émotions et irréels pour les tableaux de Chagall, les deux artistes sont exposés avec succès partout dans le monde. « Malevitch et Chagall sont des peintres qui véhiculent l’image de la Russie », précise Alexandre Mitta.

 « Même s’il a passé la majeure partie de sa vie en France, en Occident, toute sa vie c’est la Russie que Chagall a peint. Ses toiles, pour le monde entier, sont des cartes postales de la Russie d’avant la révolution avec sa poésie et sa beauté. Quant à Malevitch, c’est un peintre révolutionnaire, l’un des représentants les plus brillants de l’avant-garde apparue au début du XXe siècle. C’est lui qui a créé le premier système non-figuratif. C’est lui qui a été le premier à avoir eu cette idée simple que la couleur et la forme, ces deux fondements de la peinture, peuvent avoir une existence séparée des objets. »

 « Le réalisateur a affirmé vouloir montrer au spectateur qu’il faut apprendre à voir non pas ce que l’artiste a peint, mais ce que cache sa toile », commente La Voix de la Russie.

NNK - LM Chagall et Malevitch (2014 04 04) FR 2

 CHAGALL, MALEVITCH ET LES AVANT-GARDES RUSSES

 Kazimir MALEVITCH est le père de l’art moderne abstrait. Avec ses fameuses œuvres suprématistes « CARRE NOIR » et « CROIX NOIRE » (1).  Qui inspirent encore aujourd’hui les Slovènes de LAIBACK et du « Nouvel Art Slovéne » – le NSK / « NEU SLOVENISCHE KUNST » – et notre NNK, courant politico-artistique. Le Logo du NNK y ajoute le TRIANGLE ROUGE des Constructivistes russes …

 Cette postérité venant directement des concepts des « Suiveurs du Nouvel Art » de Malévitch.

Qui crée à Vitebsk le groupe politico-artistique UNOVIS (parfois MOLPOSNOVIS ou POSNOVIS) qui « fut un groupement éphémère d’artistes russes ayant eu cependant une forte influence, fondé et dirigé par Kasimir Malevitch au sein de l’École artistique de Vitebsk en 1919. Initialement formé par des étudiants sous le nom de MOLPOSNOVIS, le groupe s’est constitué pour explorer et développer des nouvelles théories et de nouveaux concepts dans l’Art. Sous la direction de Malévitch, ils se renommèrent UNOVIS, centralisant leur préoccupation sur ses idées suprématistes et produisant de nombreux projets et publications dont l’influence sur l’avant-garde russe et étrangère fut immédiate et largement diffusée. Le groupe s’est dissous en 1922 ».

Le nom d’UNOVIS est l’acronyme du russe ‘Utverditeli Novogo Iskusstva’, soit les « Champions du Nouvel Art », alors que POSNOVIS était l’acronyme de Posledovateli Novogo Iskusstva, soit les « Suiveurs du Nouvel Art », et MOLPOSNOVIS « signifiant Jeunes Suiveurs du Nouvel Art ».

 Rallié au CONSTRUCTIVISME russe, un courant d’avant-garde issu du FUTURISME RUSSE – Constructivistes et Futuristes russes soutiendront la Révolution bolchévique -, MALEVITCH fonde le SUPREMATISME.

Ces courants sont étroitement liés au Bolchévisme dès le début du XXe Siècle et en particulier à la Fraction bolchévique interne et externe V PERIOD (‘En Avant’) de LUNACHARTSKI, qui est à l’ultra-gauche du Parti bolchévique et est la matrice du National-bolchévisme, vingt ans avant l’Allemagne.

 A ce sujet, j’ai parlé de « National-bolchévisme culturel soviéto-russe » (2). Opinion que partage le politologue AGURSKY dans sa « Troisième Rome » (3) (4).

 En 1917, LUNACHARTSKI devient commissaire du peuple dans le gouvernement bolchévique, en charge de l’éducation et de la culture. Et il lance le grand mouvement artistique poltico-culturel, le « PROLETKULT », avec les avant-gardes artistiques ralliées à la Révolution. Période exaltante ! Trotski lui-même écrira longuement sur ces courants, notamment les Futuristes …

 Avec la révolution de 1917, Chagall est nommé commissaire aux Beaux-Arts à Vitebsk, l’un des foyers les plus actifs de l’avant-garde russe entre 1918 et 1922, qui fut aussi un point de ralliement pour nombre d’artistes d’origine juive.

Mais après un conflit avec Malevitch, il démissionne en 1920. Il quitte à jamais sa ville natale. Deux ans après, il quitte le pays, d’abord pour Berlin, puis Paris.

 LM

 * Sur Chagall, lire :

Luc MICHEL, NNK / CHAGALL, LA RUSSIE, LES AVANT-GARDES ET LA REVOLUTION D’OCTOBRE

http://www.facebook.com/notes/nnk-neue-nationaleuropaische-kultur/-nnk-chagall-la-russie-les-avant-gardes-et-la-revolution-doctobre/428725497166696

_________________________

 NOTES ET RENVOIS

 (1) Par suprématisme, Malévitch entend « une création non-objective construite à l’aide d’unités géométriques minimales (carré, cercle, rectangle, triangle et croix ) noires sur fond blanc ». Selon lui, « chaque unité géométrique est issue du carré, référent absolu du système ». Le cercle, « premier élément suprématiste fondamental », est « obtenu par la rotation du carré.

La croix provient de la division du carré en deux rectangles superposés perpendiculairement en leur milieu.

La rigueur géométrique de cette Croix noire sur fond blanc est tempérée par les contours irréguliers de ses bras. La superposition des deux plans semble inachevée, créant une sorte de tension dynamique et vibratoire ». Malévitch parvient ainsi à « susciter dans un espace bidimensionnel la création d’un champ empli d’énergie ».

 (2) Cfr. Luc MICHEL, « UN NATIONAL-BOLCHEVISME CULTUREL RUSSE ET SOVIETIQUE. LE PROLETKULT ET LES AVANT-GARDES ARTISTIQUES RUSSES. 1900-1935 », Conférence pour le CEPSE et l’Ecole de Cadres du PCN, Bruxelles, 1997, version écrite in LA LETTRE COMMUNAUTARISTE, Bulletin interne du PCN, n° spécial hors série, Bruxelles, Septembre 1996.

 (3) Cfr. M. AGURSKY , THE THIRD ROME. NATIONAL BOLCHEVISM IN THE USSR, Westview Press, Boulder, 1987;

M. AGURSKY , LA TERZA ROMA. IL NAZIONALBOLSCEVISMO IN UNIONE SOVIETICA, Il Mulino, Bologne, 1989.

 AGURSKY a développé ses réflexions au départ de sa thèse de doctorat présentée au début des Années 80 :

M. AGURSKY , IDEOLOQIA NATSIONAL-BOLSHEVIZMA, Moscou, 1980;

M. AGURSKY , L’IDEOLOQIE NATIONALE-BOLCHEVIQUE, Thèse, Ecole des Hautes Etudes, Paris, 1983.

 M. AGURSKY est le fils de Samuel AGURSKY (1889-1947) qui fut secrétaire général de la section juive du Parti Communiste de l’URSS, puis directeur de l’lntitut d’histoire de ce parti.

LA “TROISIENE ROME” : LE NATIONAL-BOLCHEVISNE EN UNION SOVIETIQUE , c’est sous ce titre de qu’ AGURSKY réunit les différentes formes de National-bolchevisme en Russie puis en Union soviétique, du milieu du XIXe siècle au triomphe du Stalinisme et du socialisme dans un seul pays en 1927. La thèse centrale d’ AGURSKY est que la Révolution d’octobre fut éminemment et principalement russe et nationaliste avant tout et qu’elle rejoignait ainsi la mission messianique de Moscou et de la Russie, se voulant la “Troisième Rome” succédant à Rome et à Constantinople et le centre d’unification du monde. La volonté de révolution mondiale et l’internationalisme du Komintern étant placés au service implicite de cette mission.

AGURSKY étudie longuement les fondements historiques et culturels en Russie de ceux qui attribuent à ce peuple un rôle salvateur et révolutionnaire dans le monde, notamment les courants panslaviste, populiste et socialiste-révolutionnaire. A propos des fondements culturels, il évoque un « national-bolchévisme culturel ».

L’une des thèses d’ AGURSKY est que LENINE a révisé le Marxisme en le nationalisant et en le russifiant et que STALINE a accompli et porté à son terme ce processus. Avec la victoire des bolcheviques, Moscou, la “Troisième Rome”, devient donc le centre du mouvement révolutionnaire mondial et rejoint par là la mission traditionnelle de la Russie. AGURSKY définit d’ailleurs le Bolchevisme comme l’ “association du Communisme et de la Nation russe”.

Son livre, bien qu’hostile au National-bolchevisme et au Stalinisme, est aujourd’hui incontournable dans l’étude des différentes formes russes du National-bolchevisme et il est particulièrement dommage que les universitaires qui étudient le National-bolchevisme en France et en Allemagne lui attribuent, volontairement sans doute, peu ou pas d’intérêt. Il est vrai qu’il remet fondamentalement en cause leur thèse centrale qui fait du National-bolchevisme une excroissance de la “Révolution conservatrice” et de l’extrême-droite. Mettre en parallèle la thèse du professeur AGURSKY, qui présente un National-bolchevisme issu de la gauche la plus extrême, met évidemment à néant les thèses de l’Université française, style DUPEUX, sur le National-bolchevisme germanique, qui lui est apparenté idéologiquement.

 (4) Sur la notion historique et idéologique de « National-bolchévisme », cfr.

Luc MICHEL, MYTHES ET REALITES DU NATIONAL-BOLCHEVISME 1918-1993, Editions Machiavel, Bruxelles, 2e édition, 1995.

1ère édition en 1991, Traductions en Anglais, Italien, Espagnol et Portugais.

UN NOUVEAU FILM AU CŒUR DES AVANT-GARDES RUSSO-SOVIETIQUES : ‘CHAGALL – MALEVITCH’ultima modifica: 2014-04-04T17:31:14+02:00da davi-luciano
Reposta per primo quest’articolo